Céline Zufferey : Des trucs pour m’occuper les mains

Après avoir réalisé un Bachelor of Arts à l’université de Fribourg, Céline Zufferey réalise un Master de pratique d’art contemporain à la Haute école d’art de Berne pendant lequel elle écrit son premier roman, Sauver les meubles, paru aux Éditions Gallimard. Lauréate du Prix du jeune écrivain francophone (en 2014 et 2015), elle a également publié New York K.O. chez Paulette Éditrice (Lausanne).

Céline Zufferey, où est-ce que vous écrivez ?

En général, j’écris à mon bureau qui est face à une fenêtre.

Il ressemble à quoi, votre bureau ? Qu’est-ce qu’on y trouve ?

Là, je viens de déménager, donc on n’y trouve plus rien. D’habitude, j’ai les différentes versions des chapitres de mon manuscrit, un bloc avec un crayon et souvent des trucs pour m’occuper les mains : des yoyo ou bien des jouets.

S’occuper les mains, ça aide pour la créativité ?

Moi, ça m’aide, parce que je fais une espèce d’autohypnose que je retrouve quand je suis dans le train, quand je regarde par la fenêtre. Du coup, quand je ne bouge pas, il faut que je regarde quelque chose, que je fasse un mouvement répétitif qui ne me demande pas beaucoup de concentration. Donc, typiquement, le yoyo, ça marche bien.

Vous parlez de vos chapitres qui sont sur la table : sous forme papier ?

Tout dépend de l’avancée du travail. Si je pense que c’est vraiment un premier jet, un deuxième jet, là, j’imprime. Mais si c’est une version intermédiaire, je n’imprime pas : je retravaille directement sur l’ordinateur.

Vous écrivez exclusivement à l’ordinateur ou est-ce que ça vous arrive d’écrire à la main ?

J’écris exclusivement à l’ordinateur, par contre, j’écris à la main quand je suis bloquée et que j’ai besoin de faire un plan ou alors de lister des caractéristiques pour une scène, ou ce genre de choses. Ça, je n’arrive pas à le faire à l’ordinateur, mais uniquement à la main.

Vous avez suivi un cursus de création littéraire à l’Institut littéraire suisse de Bienne. En quoi est-ce que ce cursus vous a aidé à progresser dans votre écriture ?

Pour moi, le gros plus du Master et de l’Institut littéraire, c’est le mentorat qui m’a apporté un regard extérieur constant et m’a permis d’avoir une réflexivité sur mon travail que j’aurais mis des mois voire des années à acquérir. À l’Institut, c’est beaucoup plus rapide de réussir à définir ce qu’on fait, pourquoi on le fait et, du coup, comment on peut le faire de la manière la plus efficace possible.

Si vous deviez donner deux conseils à une personne qui se met à écrire, une chose à faire dans la mesure du possible et une chose à n’absolument pas faire, qu’est-ce que vous proposeriez ?

La chose à faire, ce serait de lire énormément, au moins 50 % du travail d’un écrivain, c’est de la lecture. Une chose à ne pas faire, c’est de se mentir : se contenter d’un texte quand on sent qu’on pourrait faire mieux, le travailler encore, aller plus loin. Tant qu’on se dit que ce n’est pas assez bon, il faut continuer.

Et vous, l’écriture, vous y êtes arrivée comment ? À trois ans, vous avez publié votre premier recueil de poèmes ?

J’y suis venue surtout avec l’école, des professeurs qui ont commencé à systématiquement me faire remarquer que ce que je faisais ce n’était pas commun pour mon âge. Donc, comme ça s’est répété plusieurs fois, j’ai commencé à me dire qu’il y avait peut-être quelque chose et, du coup, j’ai commencé à écrire des nouvelles vers 15 16 ans.

Votre premier roman est sorti chez Gallimard : quand vous avez appris la nouvelle, qu’est-ce que ça vous a fait ?

Quand j’ai appris la nouvelle, j’étais au travail, alors j’ai fait de gros efforts pour essayer de rester concentrée. C’est un peu comme si j’avais aspiré la nouvelle et c’est pour ça que maintenant, il me faut du temps pour réaliser : je n’ai pas explosé tout de suite, alors maintenant je fais de petites explosions réparties dans le temps.

Vous n’y croyez toujours pas ?

C’est difficile de réellement se rendre compte que c’est vraiment Gallimard et que c’est vraiment mon nom sur la couverture. C’est vrai que c’est le fantasme de la plupart des jeunes écrivains : une fois, je serai dans la Blanche de Gallimard… Moi, j’ai toujours voulu être publié chez Gallimard, mais, quand je disais : « Moi je veux écrire, être publiée chez Gallimard », c’était vraiment comme de dire : « Moi je veux marcher sur la lune », c’était dans l’absolu, je n’y croyais même pas. J’espérais être éditée chez Gallimard après avoir écrit quatre ou cinq livres, que ça vienne quand j’aurais 40 ou 50 ans, comme une espèce de consécration d’une œuvre qui était déjà là. Quand on est publié chez Gallimard pour un premier roman, c’est différent : c’est plus un tremplin et puis c’est beaucoup en tant que jeune écrivain, ça rassure, ça aide de sentir une maison, une grande maison derrière nous qui fait un travail irréprochable sur le texte.

Propos recueillis par Pierre Fankhauser