Qu’est-ce qu’un cliché littéraire ? C’est quand on est écrit par la langue, quand on se contente de la première association venue plutôt que de choisir exactement les mots qui correspondraient à ce qu’on veut décrire. Dès que ce que vous écrivez vous semble évident, il faut par conséquent tout de suite vous interroger : est-ce le signe que vous avez trouvé l’expression parfaitement juste ou est-ce vous vous êtes contenté de puiser dans vos souvenirs de lecture ?
Des formules toutes faites
Le Dictionnaire des clichés littéraires d’Hervé Laroche présente avec beaucoup d’humour un répertoire des clichés littéraires les plus courants. Il dissèque ces formules toutes faites, usées, prévisibles et finalement lassantes pour le lecteur.
Dans ce livre à l’esprit critique souvent grinçant, nous nous promenons au cœur d’un monde parallèle, propre à la littérature, dans lequel « on savoure au lieu de manger, où l’on étanche sa soif au lieu de boire, où l’on rit aux éclats plutôt que d’éclater de rire, où l’on maugrée, où l’on claironne. » Les conseils au second degré de l’auteur donnent le ton : « Sachez emplir plutôt que remplir, confectionner plutôt que faire, fredonner plutôt que chanter, et griffonner plutôt qu’écrire. »
Des exemples formateurs
Pour terminer, voici quelques entrées du Dictionnaire pour vous aider à débusquer les clichés dans votre manuscrit :
Abreuver (s’) : à son amour, aux sources mêmes de l’amour. Métaphore que son côté bovin ne parvient pas à disqualifier. L’abreuvoir, en revanche, est proscrit.
Contrée : trois types : 1) lointaine ; 2) inhospitalière ; 3) infestée de peuplades hostiles. Encore mieux au pluriel (plus lointaines, plus inhospitalières, plus infestées).
Rembrunir (se) : on se rembrunit même si l’on n’est pas brun au départ. On voit qu’une personne se rembrunit à ce que son visage s’assombrit.
De quoi faire un grand nettoyage dans votre texte avant de l’envoyer à votre futur éditeur !
Hervé Laroche, Le Dictionnaire des clichés littéraires, Arléa, 2004.
Pierre Fankhauser